lundi 20 janvier 2014

DANS LA TÊTE DE GRIGORI PERELMAN, GÉNIE DES MATHS


7 NOVEMBRE 2013  /  À LIRE, À VOIR ET À ÉCOUTER
DANS LA TÊTE DE GRIGORI PERELMAN, GÉNIE DES MATHS
Le livre de Masha Gessen sur PerelmanLe livre de Masha Gessen sur PerelmanQui est Grigori Perelman, le matheux de génie qui a prouvé la conjecture de Poincaré et refusé toutes les récompenses ? Une réponse très vraisemblable est donnée par un excellent livre:Dans la tête d’un génie, de Masha Gessen, 274 p, 19,50 €. Ed. Globe, l’école des loisirs, 2013.
Le lecteur y découvrira l'univers kafkaïen des maths soviétiques d'avant la pérestroïka de Gorbatchev où excellence et antisémitisme se mélangent. La détection par un "coach" pour le moins spécial d'un petit garçon élevé par une mère qui a sacrifié sa carrière scientifique pour lui. Sa formation dans le cadre de l'entraînement des petits génies des maths destinés à gagner les olympiades internationales. Son intégration compliquée dans le monde académique où des mentors vont s'occuper de lui, reconnaissant son potentiel malgré un comportement... spécial.
Grigori Perelman, au début des années 1990, semblait s'orienter vers une brillante carrière de mathématicien, à l'occasion de séjours payés dans différentes universités américaines prestigieuse et à l'Institut Courant de New-York, où plusieurs propositions d'embauche lui furent faites. Certes, il ne sacrifiait à aucun rite social conventionnel, semblait un peu trop mépriser la salle de bain... mais rien qui puisse rebuter le milieu, habitué à voir bien d'autres monuments des maths se balader en tongs durant l'hiver, afficher un air un peu débraillé, ou enlever systématiquement leurs chaussures dans les réunions. Bref, Perelman, de ce point de vue, faisait "normal", du moins banal au regard de bien d'autres individualités.
Puis, assez brusquement, il rentre à Saint Petersbourg, où il travaille à l'Institut Steklov, et ne donne plus de nouvelles. En 1996, il refuse le prix que la Société européenne de mathématiques veut lui remettre. Sans donner d'autres explications que "mon travail n'est pas achevé". En 2000, il a un échange de courriel très étrange avec Mike Anderson, qui travaille sur la conjecture de Poincaré à l'université Stony Brook. Puis, brusquement, le 12 novembre 2002, il envoie une série de courriels à une liste de mathématiciens bien précise: ceux qui sont capables de comprendre - avec un effort - l'article qu'il vient d'envoyer sur le serveur arXiv qui commence ainsi "Nous présentons une expression monotonique pour le flot de Ricci (sous forme de flot gradient), valable en toutes dimensions et sans aucune hypothèse sur la courbure.....". En trois articles, Perelman va tout simplement prouver la conjecture de géométrisation, qui englobe celle de Poincaré. En sept ans de travail solitaire, Perelman avait réussi là où plusieurs générations de mathématiciens s'était cassés les dents.
UN TYPE BIZARRE ET TRÈS BRILLANT
Mike Anderson, dans le mail qu'il envoie à plusieurs collègues pour entamer une discussion sur le travail de Perelman, le qualifie de "type bizarre et très brillant". Malgré une tentative maladroite d'un groupe chinois de s'attribuer la réussite - car dans ses articles Perelman prouve la conjecture... mais ne dit pas expliciement qu'il le fait, en gros il laisse au lecteur le soin de le constater - la communauté mathématique reconnaît son travail et sa réussite. Au point de lui attribuer une des quatre médailles Fields du congrès mondial de mathématiques de 2006. A leur grande surprise, Perelman la refuse, Grigori PerelmanGrigori Perelmanmalgré toutes les tentatives de conciliations, les propositions de la lui remettre en Russie... Puis, il refusera de même le million de dollars prévus par la l'Institut Clay pour la conjecture de Poincaré. Et annonce même qu'il ne veut plus faire de maths.
Peut-on expliquer sa trajectoire ? Masha Gessen propose un syndrome d'Asperger, une forme légère d'autisme, souvent associée à des performances intellectuelles élevées. Une hypothèse vraisemblable, même si seul un diagnostic médical pourrait la confirmer. Une hypothèse non surprenante, si l'on en croit Isabelle Soulière, psychologue québécoise (UQAM) qui signe dans le Pour la Science de novembre un article où elle avance "qu'environ 15 à 30% des personnes autistes présentent au moins une capacité spéciale. Cette fréquence élevée pourrait s'expliquer en partie par leur façon de se concentrer sur des intérêts particuliers: quand un tel intérêt, qui se traduit par une pratique incessante, se combien à une aptitude particulière, la capacité correspondante est portée à une niveau très élevé."
Par Sylvestre Huet, le 7 novembre 2013  http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2013/11/dans-la-t%C3%AAte-de-grigori-perelman-g%C3%A9nie-des-maths.html 

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