"Bovines", la limousine du documentaire
Témoignage | | 22.02.12 | 13h23 • Mis à jour le 22.02.12 | 13h27
De la fenêtre de sa ferme, dans le Limousin, Maryse Celerier aperçoit la neige, le pré et ses vaches couvertes de givre. Dès qu'il y a un rayon de soleil, les limousines rechargent leurs batteries, avec les chats de la maison. Les veaux de lait sont dans l'étable, à côté. L'éleveuse possède un troupeau de quatre-vingts bêtes, dont quarante-cinq vaches reproductrices. Elle est aussi cinéphile et fréquente régulièrement le cinéma art et essai d'Eymoutiers. Bovines, sorti en salles mercredi 22 février, y sera-t-il à l'affiche ? A notre demande, Maryse Celerier a visionné le documentaire sur la vie des vaches charolaises, tourné dans le Calvados. A présent, elle rêve de rencontrer son réalisateur, Emmanuel Gras. Pour lui dire combien elle a aimé "son esthétisme", et lui faire part, aussi, de ses "réserves" en tant qu'éleveuse. "Il fallait avoir le culot de faire un film sans aucune autre bande-son que les vaches et les veaux. Il y a de très belles scènes, comme lorsque l'animal secoue le pommier. Mais le film manque de cohérence pour le non-initié. Rien n'a lieu par hasard dans un troupeau. Par exemple, je regrette que l'on ne voie pas le moment où le veau, qui vient de naître, cherche instinctivement la tétine de sa mère. Mais je me fais mon film...", rit-elle au téléphone.
Ne pas tout expliquer, laisser des questions en suspens, c'est justement le choix du cinéaste. Bovines fait ressentir la vie dans le pré, avec son rythme lent, ses plans quasi abstraits, ses bruits d'herbe coupée enregistrés au plus près des mâchoires. Contemplatif, et quasi muet : les vaches et leurs veaux sont les acteurs principaux de ce film dévoilé au Festival de Cannes, en mai 2011, par l'Acid, l'Association du cinéma indépendant pour sa diffusion.
Tension dramatique
Bovines joue sur la tension dramatique, dès la première scène. Une vache s'approche de la caméra. Une charolaise, toute blanche, joliment ronde, mais inquiète. Elle meugle, n'arrête pas de pousser des cris. On se demande pourquoi. On comprendra plus tard. Pour l'instant, on découvre la bête dans toute son animalité, loin de l'image furtive "vue du train" du troupeau affalé dans le pré.
Pourquoi filmer des vaches ? L'idée est venue à Emmanuel Gras, tandis qu'il arpentait le chemin de randonnée de Robert Louis Stevenson, le GR 70, dans les Cévennes. "Les vaches venaient à nous, elles avaient une curiosité. Je me suis demandé quelle pouvait être leur existence, en tant qu'animal. En général, on ne se préoccupe du bétail que pour sa fonction nourricière", explique-t-il. "Je ne voulais pas une narration par l'image. Il y a trop de films où l'on explique tout. La trame, c'est l'histoire de mères à qui l'on prend chaque année leurs enfants. Quelques mois après leur naissance, les veaux sont séparés de leurs mères", résume le cinéaste qui n'est ni un spécialiste ni un militant.
Les vaches produisent des veaux qui deviendront de la viande, point. L'embarquement dans le camion, direction l'abattoir, est suggéré en une séquence. Ce n'est pas le sujet de Bovines. Notre éleveuse de limousines n'en fait pas une affaire non plus. "J'emmène mes veaux à l'abattoir. Parfois, les gens nous demandent : "Vous ne les aimez donc pas ?" On en a parlé avec des amis éleveurs, le soir du réveillon. On est arrivés à cette conclusion : il y a un renouvellement perpétuel du troupeau, de nouveaux animaux arrivent, d'autres repartent", explique Maryse Celerier. Ainsi, la dernière séquence du film... Non, on ne la dévoilera pas. Bovines se boit cul sec, comme du petit-lait.
LA BANDE-ANNONCE
"Bovines", un documentaire d'Emmanuel Gras. (1 h 04.)
Sur le Web : www.happinessdistribution.com.
Clarisse Fabre(http://www.lemonde.fr/culture/article/2012/02/22/bovines-la-limousine-du-documentaire_1646812_3246.html)
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