"Une bouteille à la mer" : les bons sentiments sont solubles dans l'eau salée
Critique | LEMONDE.FR | 07.02.12 | 13h11 • Mis à jour le 07.02.12 | 16h36
Tal, une adolescente française installée en Israël avec sa famille, assiste à un attentat terroriste dans le quartier de Jérusalem où elle réside. Sa courte expérience de la citoyenneté israélienne, et la candeur de son âge, l'incitent à écrire une lettre d'un humanisme indigné à une figure qu'on pourrait nommer le Palestinien inconnu, et à demander à son frère qui sert à Gaza, de jeter la bouteille qui contient le message à la mer.
Sur le rivage, un groupe de jeunes Palestiniens réceptionne le flacon, et en fait, comme il se doit, des gorges chaudes, sauf l'un d'eux qui va relever en secret le défi d'une correspondance électronique avec la jeune femme. Sous le pseudonyme de Gazaman, Naïm prend tout d'abord la naïve Tal sous l'angle du sarcasme et de la provocation.
Le scénario du film, adapté d'un roman de Valérie Zenatti (Une bouteille dans la mer de Gaza, L'Ecole des loisirs), veillera toutefois à fournir à chacun des interlocuteurs des raisons de rapprocher leurs positions. Découverte par Tal des Zélotes juifs suicidés à Massada pour défendre leur intégrité nationale. Attendrissement de Naïm devant la bonne foi de son interlocutrice. Surgissement tragique de l'opération "Plomb durci", à laquelle leur relation, durement éprouvée, survivra malgré tout.
Trop de bons sentiments
Si le film a suffisamment d'intelligence pour cantonner cette histoire dans les quatre coudées du possible, et ne pas nous infliger un happy end qui défigure la réalité politique, il n'en demeure pas moins nourri par une candeur humaniste dont l'inefficience esthétique est proportionnelle à celle qui existe depuis plus d'un demi-siècle sur le terrain.
Ajoutons à cela la facilité qui consiste à élire pour personnages principaux un "bon Palestinien" (quittant Gaza pour s'ouvrir à la culture française) et une "bonne Israélienne" (sensible à la souffrance de ses ennemis) ; la distance à la longue frustrante qu'instaure le dispositif entre les deux héros ; l'inexistence à peu près totale des personnages secondaires.
Et l'on conclura logiquement que les bons sentiments ne font pas nécessairement les bonnes histoires.
LA BANDE-ANNONCE
Film français de Thierry Binisti avec Agathe Bonitzer, Mahmoud Shalaby, Hiam Abbas. (1 h 39.)
Sur le Web : www.unebouteillealamer-lefilm.com.
Jacques Mandelbaum
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