26 mars 2012
Chroniques > T'as remarqué ? (radio)
L’intelligence farceuse des choses
Hier, habitant du siècle numéro vingt et un, j’ai fait tourner la machine à laver. Yen a qui diront que je fanfaronne. Tant pis. C’est la vérité.
Comme il faisait beau, figure-toi que j’ai lavé la housse de couette à fleurs roses qui pourrissait en toute quiétude depuis le mois de janvier au fond du panier de linge sale. Parce que disons-le honnêtement, autant c’est la plaie, de laver une housse de couette quand il fait moche – ça met une éternité à sécher et ça sent la coulemelle –, autant c’est un bonheur qui confine au péché que d’étendre ces grosses dondons au soleil. Tu pendouilles ta housse humide sur la rambarde du balcon, et au bout de deux heures, ça sent divin le linge propre et sec. Mais bon, cette fois, tout n’est pas allé comme sur les roulettes habituelles.
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T’as remarqué ce truc que font les housses de couette ? Il suffit que tu en mettes une dans le tambour de ta machine pour que, quand tu rouvres le hublot, la moitié des autres bidules que tu y avais fourrés soient planqués à l’intérieur de la housse. Ce qui se passe là-dedans, quand ça tourne, crois-moi, ça relève du paranormal.
Marcel Gotlib avait dessiné une BD intitulée « La méchanceté des choses » – la tartine qui tombe du côté du beurre, la bille qui roule sous le seul meuble de la pièce, les agaceries classiques. Si Gotlib avait lavé des housses de couette, il aurait forcément évoqué le mystère contrariant de leur voracité. A l’évidence, Gotlib ne lavait pas les housses de couette. Ne lui jetons pas la pierre, la couette et sa housse n’ont probablement envahi l’Hexagonie qu’après que Gotlib a commis ce crime contre le bon goût et la bonne humeur d’arrêter la BD.
Ma théorie à moi, n’en déplaise à Marcel, c’est que les choses sont plus blagueuses que méchantes. Evidemment, si tu n’es pas rompu à l’humour de housse de couette, par exemple, t’es un peu mal barré(e) dans ta vie de ménagère (ou ger). C’est ce qui arrive quand tu débutes en lave-linge : tu t’aperçois au bout de trois jours que, si elle sèche pas, dans le coin en bas à droite, ta housse, c’est parce qu’elle a gobé deux culottes, qui moisissent planquées en boule en empestant la salle de bains. Ne le prends pas pour de la méchanceté, c’est une blagounette.
Splash, mon petit veau !
Ma couette à fleurs, vu que je commence à avoir une bonne pratique de ses clowneries, a dû estimer que j’étais prête à passer au niveau supérieur. Quand, ouvrant le hublot, j’ai voulu tirer sur le premier morceau de textile qui se présentait, un formidable grumeau de linge bouchait l’ouverture. Tu voyais que du tissu de couette. Par quel bout attraper le machin ? Je tire, ça résiste. Sous ma force herculéenne, la machine tangue, mais rien n’en sort. La housse avait gobé absolument tout le linge. Pas une socquette n’avait échappé à sa morfalerie. Comment tu expliques ça ? C’est de la magie, obligé. Du paranormal. Ya une intelligence là-dedans. Une intelligence farceuse.
Finalement, j’ai dû y enfoncer les bras jusqu’aux coudes, tirer, et… miracle, d’un coup j’étais un vétérinaire de campagne. J’étais en train d’accoucher une vache. Un vêlage, ça s’appelle. En plus propre.
La délivrance n’a pas tardé, je suis tombée sur mon gracieux séant et sur le tapis de bain, recueillant dans mes bras zémus un petit veau qui fleurait bon le Splash senteur printanière. Enfant, je rêvais de devenir vétérinaire. C’est fait. Merci, ma housse.
Habitant du siècle numéro vingt et un, je te laisse, faut que j’aille repasser mon petit veau.
Chronique T’as remarqué, en direct sur France Inter chaque lundi à 5 h 50, dans la joyeuse émission de Brigitte Patient, Un jour tout neuf.
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© Muriel Gilbert
(http://www.murielgilbert.com/chroniques/lessive-housse-de-couette-humour-menager/)
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