Kim Dotcom, le fondateur de Megaupload, lance une plate-forme « légale »
Un an après la fermeture de Megaupload par le FBI, Kim Dotcom met en ligne Mega, ce samedi. Rue89 a examiné les promesses du nouveau site de partage de fichiers.
« C’est
comme un voyage dans le temps. On va vous amener dans le futur. » Telle
est la promesse de Kim Dotcom sur son compte Twitter. Ce samedi, le
fondateur de Megaupload lancera sa nouvelle plate-forme Mega, qui
s’annonce révolutionnaire et d’une légalité infaillible.
C’est du moins ce qu’annonce l’entrepreneur allemand depuis des mois, malgré les doutes émis par de nombreux blogueurs et spécialistes du Web. Qu’en est-il réellement ?
Espace de stockage ultra-compétitif
Début janvier, Kim Dotcom publie sur Twitter une capture d’écran
qui fait l’effet d’un coup de massue pour ses concurrents en matière de
stockage de fichiers en ligne : les internautes détenteurs d’un compte
Mega gratuit auront accès à un espace de stockage de 50 GB.
Misant tout sur la protection des fichiers et la confidentialité des données des utilisateurs, Dotcom dévoile sur son site un système d’encodage des données
qui délivre une clef d’accès à l’internaute, masquant le contenu de ses
dossiers tant à l’hébergeur Mega qu’aux autorités – le tout réalisable
directement sur le navigateur (pas besoin d’installer un logiciel donc).
La clef pourra être partagée avec d’autres
internautes (sur les forums et sites de téléchargement, à tout hasard)
pour échanger les fichiers stockés. Donc, en théorie, pas de
traçabilité, pas de risque de se faire prendre par les gendarmes du Web.
On ne doute pas que, derrière l’écran de la confidentialité des
données, le but soit avant tout de retirer toute responsabilité aux
dirigeants du site en cas d’utilisation frauduleuse.
Kim Dotcom a promis aux anciens
utilisateurs de Megaupload détenteurs d’un compte premium de leur
restituer l’équivalent premium sur Mega dès qu’il obtiendrait « la
permission d’un tribunal ou la résolution de l’affaire judiciaire ».
L’anti-iTunes
Parallèlement aux services d’hébergement de fichiers, l’Allemand a annoncé une plate-forme musicale conçue comme « l’anti-iTunes »,
rien de moins. Le projet a été présenté comme un outil au service des
artistes, qui toucheront 90% des bénéfices, les 10% restant allant à
Mega pour l’entretien des serveurs.
Rien de bien neuf, diront ceux qui utilisent Beatport
et autres plate-formes musicales. Sauf que l’accès aux contenus
musicaux sera entièrement gratuit pour les internautes, les bénéfices en
question étant dégagés par les revenus publicitaires générés par le
trafic sur les pages des artistes.
En revanche, on ne sait toujours pas si
la musique sera accessible en streaming ou si les internautes pourront
également la télécharger.
Clip de promotion Megabox
La vidéo de « making of » publiée par
Dotcom annonce aussi la possibilité de noter les artistes, et laisse
entrevoir un réseau social musical où l’on pourra inviter ses amis,
partager ses coups de cœur, voir ce que ses contacts sont en train
d’écouter, avoir la possibilité de discuter en temps réel...
Le tout devrait être gratuit, tant pour
les artistes que pour les internautes. On peut aisément imaginer que
seuls les artistes ayant donné leur accord verront leur musique
accessible en ligne, ce qui pourrait bien, au moins dans un premier
temps, limiter le choix disponible sur la plate-forme.
L’affaire Megaupload toujours pas résolue
Mega semble a priori sur de bons rails.
Pourtant, les obstacles ne manquent pas, et en premier lieu les
poursuites judiciaires à l’encontre de Megaupload, qui sont toujours en attente d’un jugement de la part des tribunaux américains.
Pour obtenir sa libération conditionnelle,
après avoir été placé derrière les barreaux quatre semaines en début
d’année dernière par la justice néo-zélandaise, Kim Dotcom avait signé
une déclaration s’engageant à ne pas récidiver :
« Je peux assurer à la Cour que je n’ai aucune intention et qu’il n’y a aucun risque que je réactive le site Megaupload ou lance un commerce en ligne similaire jusqu’à ce que le processus d’extradition soit résolu. »
Selon son avocat, aucune loi n’interdit à
Dotcom de monter une entreprise légale. Il est cependant très probable
que le lancement de Mega, prévu à la date précise du premier
anniversaire de la fermeture de Megaupload, soit perçu par le procureur
américain en charge de l’affaire comme une provocation.
Le procès n’a pas encore démarré, puisque
la demande d’extradition vers les Etats-Unis n’a toujours pas été
approuvée par la justice néo-zélandaise. La première audience de la
demande d’extradition a été récemment reportée à août 2013. C’est une épée de Damoclès qui pèse sur la tête de Dotcom et de son nouveau Mega.
Mega, vraiment inattaquable ?
La loi américaine veut que tout hébergeur
reste dans le champ de la légalité aussi longtemps qu’il supprime tout
fichier lui étant signalé comme violant le droit du copyright.
Comme l’a expliqué Dotcom au magazine Wired,
Mega va bien plus loin, endiguant toute modification ou durcissement
futur du cadre légal, en créant un système d’encodage qui empêche tout
le monde sauf l’utilisateur de connaître le contenu des fichiers :
« Quel que soit le fichier partagé sur le site, il sera inaccessible sans la clé. Si les serveurs sont perquisitionnés ou piratés, cela ne donnera rien aux investigateurs. »
Pas besoin pour Mega de supprimer des
fichiers après signalement puisque de signalement il n’y aura pas, les
fichiers étant trop bien protégés. Du moins en théorie.
Ce système est-il vraiment infaillible ? C’est ce que pense DigiCert, comme le relate le site Bloomberg.
Selon l’autorité américaine, qui fournit des certificats de sécurité,
craquer le code d’encryptage utilisé par Mega prendrait, en utilisant un
ordinateur de bureau standard, 500 000 fois l’âge de l’univers (qui
est, rappelons-le, de treize milliards d’années).
« Peu probable, mais techniquement réalisable »
Certains, comme Guerric Poncet, journaliste au Point, estime que « les ayants droit ont du souci à se faire,
d’autant plus que le transfert des fichiers chiffrés ne permettra pas à
la Hadopi ou à d’autres autorités similaires de détecter les
infractions aux droits d’auteur... sauf à déployer des systèmes
d’interception des communications dignes des pires dictatures ».
La présence dans l’équipe d’Emmanuel Gadaix,
expert en informatique anciennement au service de la DST, donne une
certaine crédibilité à l’ambition de perfection technique et légale de
Mega.
Kim Dotcom s’est cependant fait de
nombreux ennemis au cours des dernières années, et l’actualité s’est
chargée de lui rappeler : les labels de musique ont fait pression sur la radio néo-zélandaise MediaWorks pour annuler la diffusion des spots publicitaires de Mega... et ont réussi.
Anecdotique, certes, mais révélateur du
bras de fer qui va débuter entre Mega et l’industrie culturelle, épaulée
par un gouvernement et une justice américaine en mal de trophée.
Aller plus loin:
-
Sur Rue89Comptes Mega Premium : attention à la fausse page Facebook
-
Sur Rue89Mega, bon coup de com’ de Kim Dotcom
-
Sur Rue89Megaupload : Dotcom et la justice américaine manipulés par le FBI ?
-
Sur Rue89Cinq questions sur la fermeture du site Megaupload
- (http://www.rue89.com/2013/01/19/kim-dotcom-le-fondateur-de-megaupload-lance-une-plate-forme-legale-238756)
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