Ce plastique ressemble à du verre mais il peut être au choix dur ou mou. Il est étirable, déformable mais aussi façonnable à l’envi. Il est réparable et on peut le souder. Il n’a pas de nom car il n’a pas d’équivalent. De l’électroménager à l’astronautique en passant l’automobile, la marine et l’aviation, ses applications sont infinies. On en parlera sans doute longtemps…
Prendre un morceau de plastique dur, le chauffer puis l’étirer et lui donner une nouvelle forme : c’est impossible alors que ce travail est classique sur le verre et permet de façonner toutes sortes d’objets. Pourquoi ? Parce que le verre passe facilement de l’état solide à l’état liquide sous l’effet de la chaleur et tout aussi aisément dans le sens inverse au refroidissement. Le faire avec un matériau plastique, constitué de polymères organiques (auxmolécules à base de carbone), imposerait qu’il ait quelques propriétés communes avec les matières minérales et vitreuses. Au laboratoire Matière molle et chimie, à l’ESPCI (École supérieure de physique et de chimique de la ville de Paris/CNRS), Ludwik Leibler et son équipe l’ont fait.
Ce laboratoire travaille depuis longtemps sur des matériaux organiques (des plastiques) aux propriétés étonnantes. En 2008, Ludwik Leibler (qui a travaillé avec Pierre-Gilles de Gennes, grand spécialiste de la matière molle et de ses mystères encore non résolus) avait déjà présenté un matériau qui se cicatrise lui-même.
Un matériau comme il n’en existe nulle part ailleurs, expliqué par Ludwik Leibler et François Tournilhac. « Pour créer des choses complètement nouvelles»… © CNRS/DailyMotion
Un matériau comme il n’en existe nulle part ailleurs, expliqué par Ludwik Leibler et François Tournilhac. « Pour créer des choses complètement nouvelles»… © CNRS/DailyMotion
Incassable mais élastique
C’est en explorant cette même voie que les chimistes de l’ESPCI ont mis au point leur plastique – à qui il manque un nom de baptême – aux propriétés complètement inédites. Comme le montre la vidéo réalisée par le CNRS, ce matériau est déformable et élastique : il reprend sa forme quand on le tort. C’est donc une sorte de caoutchouc. Mais si on le chauffe, on peut le déformer de manière définitive : il est façonnable, comme le verre, mais lui est quasiment incassable. On peut même souder deux morceaux l’un sur l’autre. Mieux, ce n’est pas un matériau mais une famille. Selon la composition, il peut être, à température ambiante, plus ou moins dur.
Avec lui, il serait possible, par exemple, de réaliser des objets en plastique impossibles à obtenir par moulage, de réparer facilement une coque de bateau en résine en la chauffant localement ou de sculpter soi-même un dispositif fait de pièces de plastique. L’art des verriers pourrait ainsi, peut-être, être transmis aux spécialistes du plastique ! Les résinesthermodurcissables ont conquis à peu près tous les domaines industriels parce qu’elles sont résistantes et légères. Mais seul le moulage permet de les réaliser et il est impossible de les façonner ensuite, comme on le fait avec les métaux. C’est donc une classe de propriétés nouvelle qui s’ouvre…
Une bande de ce plastique peut être déformée à chaud de multiples manières. Elle conservera ensuite la forme qu'on lui a donnée. © CNRS Photothèque/ESPCI/Cyril Frésillon
Innovation technologique mais aussi scientifique
Ce matériau est un mélange. On y trouve une résine époxy, c’est-à-dire un polymère qui durcit – irrémédiablement – sous l’action d’un catalyseur ou de la chaleur. Il y a bien un catalyseur dans la recette du laboratoire mais aussi des acides gras. Ils étaient déjà présents dans le matériau autocicatrisant. Comme un verre, il passe du solide au liquide ou inversement sans modification de ses liaisons intermoléculaires. Il conserve donc ses propriétés. Le secret réside, comme le matériau autocicatrisant, dans l’exploitation des phénomènes supramoléculaires, c’est-à-dire des liaisons non chimiques entre des molécules qui peuvent par exemple former, comme ici, un réseau dense.
Comme le souligne Ludwik Leibler, ce travail a aussi un grand intérêt scientifique car il explore sous un angle nouveau le phénomène de transition vitreuse. Pierre-Gilles de Gennes aurait beaucoup aimé… Nul doute que les industriels de tout bord apprécient aussi et que l’article de Science décrivant ces travaux circule actuellement dans les services de recherche de nombre d’entreprises de l’automobile, de l’aéronautique, du spatial voire de l’électroménager et des articles de sport.
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