Il ne vous aura pas échappé que la Grande Cause Nationale de l'année était l'autisme.
Depuis 1977 que ce label existe, les grandes causes comme la pauvreté, le cancer ou la solitude sont éminemment consensuelles. L'information du public, même éphémère, est toujours au rendez-vous et l'année se termine toujours sur le constat de l'immensité de ce qui reste à accomplir. Sur ce dernier point, l'autisme n'échappe pas à la règle mais on n'avait jamais vu qu'une Grande Cause soit aussi conflictuelle. En cause justement, la psychanalyse, jugée sans nuance seule responsable du retard de la France. Elle a été vivement attaquée tant par certaines associations de parents d'autistes que par la Haute Autorité de Santé qui a classé les approches psychanalytiques et la psychothérapie institutionnelle dans les interventions "non consensuelles" au seul profit des approches éducatives comportementales. C'est peu de dire que psychiatres et psychanalystes ont contre-attaqués mais étant en position de bouc émissaire, ils sont difficilement audibles. A la fin de cette année tourmentée, ce n'est pas tant l'espoir que la désillusion qui règne de part et d'autre : la Haute Autorité de Santé est contestée, les moyens pour renforcer l'éducatif ne sont pas au rendez-vous sauf à diminuer les crédits dévolus aux soins, l'Education Nationale est à la traîne et on n'a pas dit un mot des autistes adultes qui, eux, se sont vigoureusement manifesté.
Dans ce contexte, on peut dire qu'il faut du courage au psychanalyste et linguiste Laurent Danon-Boileau pour publier Voir l'autisme autrement (Odile Jacob), conçu bien avant les attaques contre la psychanalyse. Il n'en remet pas moins quelques pendules à l'heure en affirmant inlassablement les places respectives et nécessairement conjointes de l'éducatif et du soin qui se complètent même si leurs principes s'opposent. Question de dosage et de respect réciproque si l'on veut que les deux approches permettent à l'enfant, quelle que soit la gravité initiale de son état, de donner cohérence à ce qu'il vit et de maîtriser ce qu'il ressent. C'est à partir d'exemples de sa clinique que l'auteur développe sa conception à la fois modeste et ambitieuse de l'autisme et en tire la manière subtile d'être analyste. Modeste car il ne prétend arriver à autre chose qu'à un résultat partiel. Ambitieuse car se servant de tous les outils qu'offrent les théories psychanalytiques combinées à son métier de linguiste, Laurent Danon Boileau se met patiemment et sans relâche au service de l'enfant autiste pour lever les obstacles qui désorganisent sa relation à autrui. Partant du postulat que l'enfant autiste veut communiquer mais qu'il ne dispose pas de moyens classiques pour le faire, l'auteur provoque autant chez les psychanalystes peu avertis que chez les cognitivistes un décalage leur permettant comme le titre de l'ouvrage l'indique de "voir l'autisme autrement". Une façon de voir aussi la psychanalyse autrement.
Laurent Danon Boileau : Voir l'autisme autrement. Odile Jacob
(http://www.huffingtonpost.fr/caroline-eliacheff/une-annee-mouvementee_b_2363955.html?ir=)