George Harrison dans la lumière de Scorsese
Mots clés : Living In The Material World, Beatles, George Harrison, Martin Scorsese
Par Olivier NucPubliéGeorge Harrison devant le Taj Mahal. (George Harrison/Harrison Family/Metropolitan FilmExport)
Dans Living in the Material World , Martin Scorsese rend hommage au plus sous-estimé des Beatles, George Harrison, dix ans après sa mort.
(Envoyé spécial à Henley-on-Thames)
D'ordinaire très discrète, Olivia Harrison, la soixantaine solaire, a coproduit le documentaire de Martin Scorsese. Souriante et chaleureuse, elle reçoit à deux pas de la demeure acquise en 1970 dans l'Oxfordshire par le musicien, dans laquelle elle réside toujours, entre deux avant-premières mondiales du film.
LE FIGARO. - À quand remonte le projet de ce film sur George Harrison?
Olivia HARRISON. - En 1995, au moment de compléter l'anthologie desBeatles, George a commencé à vouloir raconter son histoire. Il s'intéressait à énormément de choses et souhaitait les partager. À partir de 2002, il était évident qu'il fallait mettre cela sur pied. J'ai commencé à organiser ses archives personnelles à cet effet. En 2005, à la sortie de No Direction Home , j'ai rencontré Nigel Sinclair, qui a approché Martin Scorsese. Il a donné son accord pour réaliser un film. Dès l'année suivante, il commençait à rassembler des images. Ça a été un long processus, mais nous ne nous étions pas imposé de date limite.
Quelle a été votre implication?
En tant qu'archiviste, j'ai essayé de leur fournir autant de matériel que possible. J'ai tâché d'être ouverte. Il fallait que nous gagnions la confiance des uns et des autres. L'équipe de production a été très patiente avec moi. J'avais parfois du mal à leur donner certains éléments, que je montrais volontiers, mais que je rechignais à laisser. Chaque scène déclenche tant de souvenirs que ça a parfois été difficile: je me remémorais la journée, le lieu où nous étions, qui était avec nous… Il y a aussi des choses sur lesquelles je ne voulais pas revenir.
Le résultat est-il fidèle à la personnalité de votre époux?
Le plus important était de retranscrire l'essence même de George, ce que Martin a réussi. D'où venait sa musique ? Au sujet de quoi écrivait-il ? Je craignais que personne ne soit capable de répondre à ces questions. À plusieurs reprises, pourtant, je me suis demandé même si nous étions sur la bonne voie: «Tu es folle, tout ceci est tellement personnel, honnête et vrai!» Ces interrogations signifiaient que nous allions dans le bon sens.
Martin Scorsese et George Harrison avaient-ils été en contact?
Ils se connaissaient. Martin est venu une fois à la maison, en compagnie de Jack Nicholson, Robbie Robertson et d'autres. Ils ont passé la nuit dans son studio à jouer de la musique comme des garçons. George adorait The Last Waltz (La Dernière Valse) mais il appréciait moins ses films plus violents comme Mean Streets, qu'il n'arrivait pas à regarder.
Le terme qui revient le plus souvent dans les témoignages sur George est «paradoxal»...
Il a écrit dans une chanson: « Je suis l'incarnation de toutes les contradictions de la vie.» Il avait une nature duelle dans sa vie de tous les jours, était très extrême parfois. À la fin de son existence, il avait trouvé un meilleur équilibre. Nous voulons tous être bons, sans jamais montrer notre côté négatif. Il s'en fichait. C'est ce qui faisait de lui une personne si intéressante.
Quel lien aviez-vous avec les Beatles avant de le rencontrer?
Je fais partie de la génération qui a vécu la Beatlemania: j'étais adolescente quand leur musique a envahi l'Amérique. Je les écoutais tout le temps. Mon Beatle préféré était George: il était si sombre et mystérieux.
Votre fils Dhani intervient assez peu dans le film…
Il a pourtant donné deux longs entretiens. Il a été surpris de ne pas être plus présent. Il a dit des choses merveilleuses sur son père. Il sait des choses sur George que je ne connais pas: son père voulait lui transmettre beaucoup, pas seulement la musique.
La bande-annonce :
LA CRITIQUE
Il fallait tout le talent et la curiosité insatiable de Martin Scorsese pour nous rendre si proche un artiste aussi mystérieux, aussi pudique que George Harrison, figure énigmatique des Beatles qui eut du mal à s'imposer face au tandem Lennon-McCartney. Un original qui cultivait une fantaisie et un humour très British , partagé entre la spiritualité et le monde matériel. Grâce à un montage fluide basé sur des archives inédites se dessine peu à peu la personnalité d'un mystique qui trouvera une forme de salut dans la religion hindoue, au milieu de sa tribu dans son manoir victorien de Friar Park.
La force de ce portrait en coupe tient aussi dans ses témoignages insolites, drôles, hallucinants et l'émotion qui s'en dégage. Ceux de sa femme, Olivia, et de leur fils Dhani, d'Eric Clapton, du champion de F1 Jackie Stewart, de Phil Spector ou des Monty Python. Leurs souvenirs, leurs anecdotes éclairent le chemin d'un homme auquel le batteur Ringo Starr rend le plus bel hommage. On n'oubliera pas ses larmes. All Things Must Pass…
Living in the Material World sera projeté dimanche 16 octobre au Grand Rex, à Paris (II e ) dans le cadre d'une soirée hommage à George Harrison. Ses chansons seront interprétées par plusieurs musiciens. La recette sera reversée à la Material World Foundation.
Le DVD sera disponible le 17 (Metropolitan). La Martinière publie un beau livre sur George Harrison.
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